Interview
Question : Où en est-on de la mise en oeuvre de la Convention sur la cybercriminalité ?
Henrik Kaspersen : Actuellement 38 Etats ont signé ce texte, et huit d'entre eux l'ont ratifié. Le protocole additionnel concernant les actes de nature raciste et xénophobe a recueilli les signatures de 22 pays et une ratification.
Question : Etes-vous satisfait du rythme d'adhésion ?
Henrik Kaspersen : J'en suis plutôt content. En ce qui concerne l'avancement des ratifications parmi les pays signataires, on peut distinguer trois groupes : un tiers, soit environ huit pays, devrait le faire relativement rapidement d'ici les six prochains mois. Un deuxième groupe à peu près identique vient de mettre en route le processus et devrait aboutir un peu plus tard aux environs de 2006. Reste un troisième et dernier groupe à propos duquel nous n'avons que peu d'informations. Il se peut qu'ils aient pris du retard pour de nombreuses raisons : peut-être ont-ils dû engager des consultations supplémentaires en vue d'adapter leur législation.
Question : Les gouvernements ont-ils vraiment pris conscience des dangers liés au développement d'internet et à la cybercriminalité ?
Henrik Kaspersen : Je pense que oui. Ils l'étaient tout du moins au début car leurs représentants étaient particulièrement nombreux lors de la signature du traité à Budapest, il y a trois ans. Je pense que le processus de ratification de cette convention n'est pas spécialement plus long que pour n'importe quelle autre convention du Conseil de l'Europe. La mécanique juridique internationale est particulièrement lente, car il s'agit de questions complexes et il faut prendre en compte de nombreux aspects pour mettre en oeuvre et ratifier au niveau national de tels traités.
Question : Est-ce que cette Convention qui vient d'entrer en vigueur, produit déjà ses premiers effets ?
Henrik Kaspersen : Pas encore car trop peu de pays l'ont ratifiée pour l'instant. Mais ce que l'on peut voir, c'est que ce traité dans son ensemble constitue un modèle juridique. La plupart de ses dispositions ont été reprises même par les pays qui ne souhaitent pas adhérer à la Convention. Ceci signifie bien évidemment que son champ d'application dépasse de loin celui des seuls Etats membres du Conseil de l'Europe.
Question : Au cours des négociations qui ont conduit à l'élaboration de ce traité de nombreux groupes, associations et même certains secteurs de l'industrie ont vivement attaqué les dispositions prévues. Pensez-vous qu'aujourd'hui leur point de vue a évolué ou sont-ils toujours aussi critiques ?
Henrik Kaspersen : Je pense ces groupes n'ont pas évolué et sont restés sur leur position de départ car ils défendaient leurs intérêts particuliers. Quand vous vous apprêtez à faire évoluer une loi pénale vous devez être très attentifs à ce qu'un équilibre entre le respect des libertés, les intérêts particuliers et l'intérêt général, soit trouvé. Si vous instituez de nouveaux garde-fous, il est normal qu'un large débat soit engagé, mais en réalité, le débat politique sur la mise en oeuvre des dispositions d'un tel traité revient au législateur national, sous le contrôle bien sûr d'organismes tel que la Cour européenne des droits de l'homme.
Source de l'article : CONSEIL de l'EUROPE
http://www.coe.int/t/f/com/dossiers/interviews/20040915_interv_kaspersen.asp