Après trois semaines de procès et neuf heures de délibéré, la cour s´est conformée aux réquisitions de l´avocat général François Perain. Elle a retenu 36 des 38 agressions sexuelles et les trois viols pour lesquels comparaissait Marcel Lechien. Ses avocats ont annoncé aussitôt qu´il fera appel.
La cour a assorti sa condamnation d´une interdiction définitive d´exercer une activité professionnelle ou bénévole en lien avec des mineurs et d´une interdiction des droits civiques et familiaux durant dix ans.
Dans son réquisitoire, François Perain avait demandé aux jurés de rejeter l´idée que "le fantôme d´Outreau" aurait hanté ce procès. Il avait rappelé que la cour avait entendu la grande majorité des enfants qui se disaient victimes des agissements de Marcel Lechien et que les experts psychologues avaient conclu globalement à "la fiabilité de leurs dires".
De son côté, la défense avait plaidé l´acquittement au "bénéfice du doute". Me Jacques Vernerey-Lecoeur avait stigmatisé "une instruction menée exclusivement à charge" et pointé "l´absence de preuves matérielles".
Les jurés ont tranché en faveur de la thèse de l´avocat général qui avait souligné qu´un "mur du silence" avait protégé Marcel Lechien bien avant les faits qui lui sont reprochés. Son nom était apparu dans la presse dès 1977 à l´occasion d´un conflit qui l´opposait à des parents alors qu´il était jeune instituteur à Piencourt (Eure).
Sous le titre "les risques du métiers", le journaliste évoquait des visites que lui rendait à son domicile une élève. Cet article figurait dans son dossier professionnel. Mais son supérieur l´inspecteur Philippe Rivaille dira que l´instituteur avait été vraisemblablement victime d´une "cabale".
Puis en 1996, deux enfants s´étaient plaints d´attouchements et leurs parents saisissaient la directrice qui alertait l´inspecteur. Celui-ci décidait de classer l´affaire en recommandant simplement à l´instituteur de "garder ses distances" et de ne plus "prendre les enfants sur ses genoux".
Enfin en 2000, une ancienne élève de Marcel Lechien se confiait à des médecins en relatant des attouchements et des viols. Selon cette jeune femme âgée aujourd´hui de 21 ans, l´un des praticiens lui aurait conseillé de "tout oublier" et un autre de ne pas porter plainte "inconsidérément", l´instituteur étant connu comme "un homme honorable".
Il faudra attendre l´année 2001 et l´intervention d´un écrivain installé à Cormeilles Jean-Yves Cendrey pour que Marcel Lechien soit véritablement inquiété. Cet homme qui a recueilli des témoignages d´anciens élèves se plaignant d´agressions sexuelles s´ouvre de ces accusations auprès du maire, de médecins et de collègues de travail de l´instituteur qui font preuve, selon lui, de beaucoup de "réticences".
Un matin, il décide de précipiter les choses et se rend à l´école où il invite l´intituteur à le suivre à la gendarmerie en lui disant: "Lechien, les petites filles, c´est fini". Au total, l´instruction ouverte à la suite de son intervention fera apparaître 38 agressions sexuelles dont trois accompagnées de viols.
Dans sa plaidoirie, Me Pierre Jalet qui représentait 17 familles parties civiles affirmera que Marcel Lechien avait le profil du "bon" pédophile: "il faut être relativement rusé, développer des stratégies et bénéficier d´un environnement social favorable à ces stratégies".
Source de l'article : Le BOUCLIER
http://www.bouclier.org/article/3965.html